Pia Charlie Bertrand | U.C

Pia est une fille tout ce qu’il y a de plus fragile. Elle vit sans arrêt dans un monde qu’elle s’invente d’où sa dépression par moment. Étrangement lunatique, faible mais pas naïve, elle se laisse faire quand la douleur arrive. Légèrement masochiste quoi. Elle n’a pas l’habitude de fuir la douleur, sauf quand elle la touche directement au cœur. Elle pleure souvent, écrit ce qu’elle ressent sur des bouts de papier qu’elle jette par la fenêtre en espérant que ses malheurs s’envolent avec. Elle a aussi beaucoup de mal à se rapprocher des autres, elle les envie mais n’a jamais le courage de s’en faire des alliés de poids. Ses rapports s’arrêtent souvent à quelques bavardages sans importance. Avant sa rencontre avec les chevaux, elle trainait seule dans un appartement à lire des bouquins en tout genre ce qui l’enfonçait encore plus malheureusement. Depuis, elle s’ouvre un peu plus au monde qui l’entoure. Sourit, rit par moment même. Pia aime leur compagnie, ça la rassure, lui donne envie d’aller plus loin. Elle ne s’est jamais sentie trahi par un cheval. C’est peut-être d’ailleurs, la seule force qui lui permet d’avancer.

- Vous êtes atteinte de Bovarysme*.

Le silence, le grand vide. Pas même le haussement d’un sourcil. Rien, nothing. La jeune demoiselle regardait le médecin sans une once d’étonnement. Ses yeux le fixait sans relâche, elle attendait qu’il reprenne parole qu’il lui explique mais non. Il avait le regard plongé dans ses dossiers et semblait perplexe. Charlie souffla bruyamment et finalement avoua sans grande peine.

- Je suis désolé mais vous ne m’apprenez rien. Si je suis ici, c’est justement pour remédier à tout ça. J’ai vu quantité de médecins voyez-vous et tous sont arrivés au même résultat que vous mais aucun n’a pu me dire comment me soigner. Vous êtes psychologue, monsieur. Le premier que je consulte depuis mes énièmes examens. Et, à vrai dire, j’attendais beaucoup plus que ça.

Ses ongles vernis claquaient sur le bureau de marbre du savant, machinalement. Le temps semblait suspendu, il hésitait à lui dire que lui non plus n’en savait rien. Il avait usé des dizaines d’années d’études afin d’exercer ce métier mais là, il calait comme un collégien devant un théorème. Il releva finalement la tête. Devant lui, une jeune femme, à peine majeure et qui pourtant avait l’air aussi déterminée que certaine plus mûre. Sa longue chevelure était remontée en chignon, lui donnant trois voir même cinq ans de plus. Un regard bleu glace, froid et distant, surement la cause des aléas de la vie. La malade ferma les yeux et le supplia :

- Vous savez ! Dites-moi au moins que vous avez une piste, un grain d’espoir ... s’il-vous plait ...

Il ne savait quoi lui répondre, elle avait l’air si faible, extenuée. Il avait horreur de mentir, son job était justement fait pour découvrir la vérité à l’intérieur même des êtres humains. Mais là, c’était un cas extrême. Puis, comme dit dans la religion : Dieu pardonne les pêchers quand ils sont fait pour une cause juste. Alors, il avait le droit.

- Ne vous inquiétez pas, nous allons trouver une solution, ensemble. Finit-il par dire.

Il avait lu le matin même, quelques prospectus sur la thérapie du cheval. C’était assez simple et pourrait convenir à cette âme perdue devant lui. Après tout, au point où elle en était ça n’aggraverait pas son cas. Les yeux de sa patiente se firent soudain grand, une larme furtive coula le long de sa joue et s’effaça sur le coin de ses lèvres. Enfin, elle allait pouvoir sortir de son monde pour se faire valoir dans celui-là. Elle rapprocha sa chaise, esquissa un léger sourire ému à son pseudo-sauveur et attendit qu’il lui explique tout ça.

Trois jours plus tard, suivant son conseil, elle s’était inscrite dans un ranch. Il lui avait certifié que vivre auprès des chevaux était un remède pratiquement certain. Des équidés. Jamais elle n’en avait réellement approché. Rien qu’à l’idée de se retrouver sur le dos de l’un deux lui donner mal au ventre. Elle grimaça arrivé devant le bâtiment puis finalement avança, c’était son avenir qui était en jeu. Elle tomba sur un moniteur qui la réconforta aussitôt. Son allure cowboy, l’air charismatique, il était plutôt charmant pour un cavalier. Tout de suite mise à l’aise, c’était soudain plus simple de se mouvoir sur la selle et d’évoluer à une vitesse plus ou moins impressionnante. Elle ne savait pas si c’était de cela que parlait de psy. Il avait clairement dit que : « se changer les idées était la meilleure solution. Elle ne devait plus penser à ses rêves d’un monde trop beau. L’équitation était un bon défouloir, ça se passerait bien. ». Quoique, sur ce coup, c’était plutôt le regard profond du Belhomme qui la poussait à venir chaque semaine monter une jument au nom de confiserie. Guimauve. Tu parles d’un cheval de western. Mais, elle était bien nommée, ça lui correspondait. Elle ne bronchait pas le moins du monde, répondait sans vitalité. Vieille madame, certainement. Finalement, elle changea pour un jeune plus vigoureux. Charlie, qui avait prit l’habitude de se faire appeler Pia avait prit peur quand le beau John le lui avait annoncé. Mais le rire, enfin non, SON rire l’avait remise sur pied. Elle voulait tout faire pour être à sa hauteur. Elle était douée, il lui avait dit tant de fois. Le pas, le trop, le galop, elle avait plus ou moins assimilé. Il lui apprit quelques figures simples de training, puis tout ce qui était vitesse, précision de ses aides. Sans s’en rendre vraiment compte, elle oublia presque ces années de galère et de pleurs. Elle s’attendrit des chevaux, les aima autant qu’elle pouvait l’aimait lui. Oui, elle était tombée amoureuse de cette vie à la campagne digne d’un roman à l’eau de rose.

Ça aurait été trop simple d’en rester là non. Un beau jour, qu’elle pansait quelques chevaux histoire de dépanner un peu son amour transi. Il arriva, une belle dame derrière lui. Blonde à anglaise, un grand sourire, une robe à volant pas vraiment le style de la maison mais bon. Il lui expliqua assez brièvement qu’il comptait se marier. Le choc. Pia faillit en tomber à la renverse, comment avait-il pu ? Elle l’avait tellement idolâtré. Elle lui aurait donné sa vie. Mais elle avait commis une erreur en gardant ses sentiments pour elle de peur qu’il rie aux éclats. Là, maintenant, il s’envolait pour fonder une famille au bras de cette américaine. Quelle sotte avait-elle été ? Prise de folies, elle s’échappa de son rêve pour vivre un cauchemar. Elle prit le premier avion qui passait, sans valise, sans argent, juste les souvenirs d’une chimère éphémère. La blonde vénitienne fuyait ce qu’elle avait pourtant tant chéri et arriva quelque part sans savoir qu’elle entrait dans un nouveau monde, magique et certainement semer d’embûche. Le centre équestre de la Valley, devant elle, ouvrait ses portes pour l’accueillir.